« C’est rare que les prud’hommes passionnent autant », commente avec un sourire en coin le président, Loïck Guilleminot. Sa session d’audiences au conseil de prud’hommes de Paris fait le plein en cette fin d’après-midi. Et ce malgré les quatre heures de débats déjà au compteur de la formation de jugement. Il faut dire que la dernière affaire de ce mercredi 10 décembre n’est pas n’importe laquelle. Le litige à trancher ? Celui de Guillaume Meurice, ex-humoriste vedette de France Inter, qui vient contester son fracassant licenciement par la station publique en juin 2024.
Venu accompagné de ses camarades de radio, Juliette Arnaud et Ramzi Assadi, l’animateur de Nova ― qui restera quasi muet durant les plus d’1h30 de débats ― prend place au premier rang d’une petite salle où se serrent avocats, journalistes, fans ou simples curieux. « Requalification du contrat de travail », « nullité du licenciement », « harcèlement moral », le menu du jour ne prête pas vraiment à sourire.
Près de 250 CDD d’usage signés
L’avocat de Guillaume Meurice, Hugues Dauchez, est le premier à prendre la parole. Avec un débit mitraillette, il entame sa plaidoirie en rappelant les sommes réclamées par son client : près de 400 000 euros cumulés. La moitié découle de son premier cheval de bataille : la requalification en CDI des près de 250 CDD d’usage signés par Guillaume Meurice au fil de ses douze années passées à Radio France.
Le professionnel fait valoir à la barre que l’emploi occupé par ce « collaborateur spécialisé d’émission » ― l’intitulé officiel du poste du comique de 44 ans ― n’était pas de « nature temporaire ». Et doit donc être revu a posteriori, avec les rappels de salaires afférents depuis 2021, estimés sur la base d’un temps plein à près de 7 000 euros brut par mois.
L’autre moitié des indemnités demandées par le conseil de Guillaume Meurice provient de sa remise en cause de l’avertissement puis du licenciement infligé par son ex-employeur.
Décidés par la direction de Radio France après ses propos sur Benyamin Netanyahou (le Premier ministre d’Israël), comparé sur l’antenne de France Inter à une « sorte de nazi mais sans prépuce » en novembre 2023 et avril 2024, ils constituent des décisions injustifiées car sanctionnant un « abus de liberté d’expression » inexistant selon maître Dauchez.
Et ce dernier d’assurer que l’humoriste n’a fait que son métier, n’enfreignant ni la loi ni aucune règle fixée par son ex-employeur. Il doit donc voir son licenciement annulé, et le harcèlement moral dont il a été victime reconnu.
« On s’éloigne du dossier »
Le moment pour le tourbillonnant maître Manca d’entrer en piste. Cheveux longs et langue bien pendue, le défenseur de Radio France se lance dans une longue plaidoirie qui déraille bien souvent. « On s’éloigne du dossier », « restons sur les faits », « on revient sur le licenciement », « il faut conclure maître », les rappels à l’ordre du président se multiplient, répondant aux tortueuses digressions de l’avocat.
S’en remettant un peu trop à sa gouaille, le conseil défend d’abord la légitimité de son client à avoir eu recours aux CDD d’usage avec Guillaume Meurice. Avant d’insister sur le « trouble d’une intensité absolue » créé au sein de Radio France par la saillie de cet « humoriste autoproclamé ».
En témoignent les plus de 200 pages de messages de protestation reçus par Radio France et transmis à la formation de jugement. Dans un contexte post 7 octobre, Guillaume Meurice a selon lui « brusqué », « maltraité » et même « fracassé » une partie de l’auditoire de France Inter, ce qui est contraire « aux missions » du service public.
La politique de la « terre brûlée »
Autre grief fait à l’ex-voix de France Inter, son refus de s’excuser après sa première sortie, puis la réitération en avril 2024, soit après le classement sans suite des plaintes le visant, des propos ayant créé la polémique à l’automne précédant. Sans oublier la sortie de son livre, « Dans l’oreille du cyclone », dans lequel il aurait dénigré sa direction.
« Il s’est fait plaisir jusqu’au bout », « ça lui a fait une pub de fou », a accusé maître Manca à la barre, dénonçant la politique de la « terre brûlée » d’un « possédé ». Autant de marques de « déloyauté » justifiant selon lui son licenciement. De quoi convaincre le conseil de prud’hommes ? Réponse le 9 février 2026, date de rendu de la décision dans cette affaire.




