Commission d’enquête sur l’audiovisuel public : ce qu’il faut retenir des auditions de Patrick Cohen et Thomas Legrand

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Rencontre avec l’enfant non désiré d’une tempête qu’ils ont involontairement déclenchée. Ce jeudi après-midi, Patrick Cohen et Thomas Legrand avaient rendez-vous l’un après l’autre avec la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’audiovisuel public. Un groupe de travail auquel les deux journalistes ont bien malgré eux donné naissance.

Tout est en effet parti de la publication en septembre par le média « L’incorrect » d’images captées clandestinement les montrant en train d’avoir une conversation privée dans un café parisien avec deux responsables du PS. « Nous, on fait ce qu’il faut pour (Rachida) Dati, Patrick (Cohen) et moi », y affirmait notamment Thomas Legrand.

La séquence avait immédiatement valu aux deux intervenants de France Inter une vague d’accusations en connivences politiques. Dès septembre, le parti d’Éric Ciotti (UDR) avait réclamé la création d’une commission d’enquête sur la neutralité de l’audiovisuel public, qui a finalement vu le jour fin octobre.

« Je n’organise pas de campagnes clandestines »

Un mois et demi plus tard, c’est donc l’heure des explications autour de ce qui est désormais appelé « l’affaire Legrand/Cohen ». Premier à s’asseoir dans le fauteuil du dentiste ce jeudi : le visage de « C à vous ». Chemise blanche et veste bleue, Patrick Cohen déplore d’emblée au micro les « méthodes de barbouzes » de « l’Incorrect » qu’il compare à de « l’espionnage déguisé en journalisme ». « Et nous en ferons justice », prévient l’éditorialiste de la matinale de France Inter, rappelant que « trois procédures judiciaires distinctes » sont en cours.

Selon lui, l’émotion que ces images ont créée a été amplifiée par « une opération de propagande sans limites » visant « à détruire le service public ». Dans son viseur, les médias de la galaxie Bolloré, dont CNews, qui d’après ses calculs lui a consacré « 853 séquences » en seulement deux semaines. Et « sans une once de contradictoire ».

Vidéo« Propagande », « barbouzes » : devant les députés, Patrick Cohen accuse les médias Bolloré

Droit dans ses bottes, Patrick Cohen estime n’avoir fait que son métier en parlant à ces deux responsables du PS. « Je n’organise pas de campagnes clandestines », tient-il à clarifier, ne condamnant pas les propos de Thomas Legrand sur Rachida Dati car il n’a « aucun doute sur les intentions » de son collègue.

Très offensif, le chroniqueur de « C à vous » et de France Inter croise régulièrement le fer avec le rapporteur ciottiste de la commission d’enquête, Charles Alloncle. Le reprenant sur certaines de ses imprécisions, il répond souvent à ses questions par d’autres. « Nous ne sommes pas sur un plateau de France 5 », finit d’ailleurs par s’agacer le député UDR de 32 ans, critiquant cette « inversion accusatoire ».

L’atmosphère bien chauffée, c’est au tour de Thomas Legrand d’entrer en piste. Ne tournant pas autour du pot, la plume de « Libération » évoque vite ses fameux propos sur Rachida Dati qu’ils ne regrettent pas. « Cette phrase me choque parce qu’elle est sortie de son contexte », commente-t-il. Et d’expliquer qu’il voulait signifier qu’il s’occupait « journalistiquement » des « contre-vérités » proférées par l’actuelle ministre de la Culture.

« Procès politique »

Très critique des questions du rapporteur, l’éditorialiste est rejoint par plusieurs membres de gauche de la commission d’enquête. « Nous avons passé plus de quatre heures sur un bout de phrase tronquée sortie d’un enregistrement d’une conversation privée qui n’avait pas lieu d’être », soupire par exemple l’élue PS Ayda Hadizadeh, quand sa collègue Sophie Taillé-Polian dénonce un « procès politique ».

Au cours de cet échange de près de deux heures, Thomas Legrand s’en prend aussi aux médias de la galaxie Bolloré, dont Europe 1 qui a rapporté mardi une autre de ses conversations privées dans un café parisien, cette fois avec l’ex-patronne de France Inter, Laurence Bloch. « On arrive à un point de gravité qui, me semble-t-il, dans l’histoire du journalisme d’après-guerre, n’avait jamais été atteint », alerte le journaliste. Et d’espérer à l’avenir « pouvoir continuer à aller dans des cafés et parler de politique ».

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