INTERVIEW. Le documentaire Le Temps des femmes est diffusé ce mardi 16 décembre 2025 à 21h10 sur France 2. Produit par Mélissa Theuriau, ce programme met les femmes au premier plan. Pour l'occasion, la journaliste et productrice a accordé une interview à Télé-Loisirs.
Ce mardi 16 décembre 2025 à 21h10, France 2 diffuse Le Temps des femmes. Ce documentaire, raconté par Agnès Jaoui et produit par Mélissa Theuriau, dresse un portrait sensible et éclairant sur les pressions sociétales qui affectent la vie des femmes. Il donne la parole à des femmes de tous âges et milieux, célèbres ou anonymes, qui partagent leur ressenti et leur vécu. À l'occasion de cette diffusion, Mélissa Theuriau, qui s'est récemment confiée sur ses enfants, a donné une interview à Télé-Loisirs. La journaliste, mariée avec Jamel Debbouze depuis 2008, y évoque la production du documentaire et la façon dont les thèmes abordés ont trouvé un écho personnel chez elle.
Mélissa Theuriau : "Je me sens tout à fait représentée par les femmes à qui j'ai donné la parole"
Télé-Loisirs : Pourquoi avez-vous produit Le Temps des femmes ?
Mélissa Theuriau : C'est France Télévisions qui m'a proposé de relever ce défi. On a beaucoup réfléchi avec Karine [Dusfour, la réalisatrice, ndlr] pour trouver la bonne écriture, le bon balancier pour relever ce défi. Ça fait deux ans qu’on est dessus. Ce n’est pas simple d'avoir 90 minutes pour parler des femmes, sachant qu'on est à peu près 35 millions et qu'il y a autant d'histoires que de femmes sur notre territoire. On s'est dit qu'aujourd'hui, il était temps que les femmes se racontent elles-mêmes. Elles sont souvent racontées par des experts ou des sociologues dans les documentaires qui leur sont consacrés. Là, on avait vraiment envie qu'elles parlent d'elles comme actrices de leur histoire. Notre objectif c’était que l’ensemble des témoignages forme un seul et même récit qui nous parle à toutes.
Le documentaire aborde la maternité et la gestion du temps. Est-ce que vous, vous réussissez à concilier facilement votre vie de famille et votre vie professionnelle ?
Non, ce n'est pas du tout facile. C'est bien pour ça que je me sens tout à fait représentée par les femmes à qui j'ai donné la parole. Ça a eu une bonne vertu thérapeutique sur moi et ça m’a fait beaucoup de bien. Aujourd'hui encore, on continue à vivre dans une immense culpabilité avec une difficulté à gérer notre temps, ce qui nous renvoie à une forme de précarité dans la gestion de notre emploi du temps. Moi, je gère un agenda familial, un agenda professionnel et je jongle avec deux journées où forcément, on est moins productif qu'un homme quand il part le matin et qu'il rentre le soir. C'est aussi un film qui parle à une jeune génération qui, elle, doit s'emparer un peu plus de cette question du temps et dire : "Non, moi, je vais construire ma vie pour gérer mon temps, au même titre que mon compagnon ou ma compagne !"
Vos enfants regardent-ils vos documentaires ?
Oui, toujours. Ils sont hyper impliqués. Je suis contente parce que c'est aussi beaucoup de discussions ensemble. Mes enfants m'inspirent aussi beaucoup dans ce qu'ils peuvent dire ou ressentir. Et puis après, ce sont des débats qui nous animent. Je pense qu'on a une jeune génération beaucoup plus militante et radicale que nous et qui a moins envie de faire des concessions. C'est ce regard un peu décomplexé et affirmé aussi qu'on avait envie de montrer.
Mélissa Theuriau : "Vous serez critiqués quoi que vous fassiez"
Dans son témoignage, Léna Situations dit : "Peu importe ce qu'on fait, il y a toujours quelque chose qui ne va pas." Est-ce que c'est votre ressenti à vous aussi ?
Oui, et c'est de ça dont il faut se défaire. C’est ce que je dis à mes enfants : "Vous serez critiqués quoi que vous fassiez." Maintenant, ils vivent avec les réseaux sociaux, avec des commentaires qu'on n'avait pas nous quand on était jeunes. Donc de toute façon, quelle que soit leur action, il y aura des commentaires. Il faut absolument y faire face, ne pas être déstabilisé et continuer d'avancer. Là-dessus, Léna Mahfouf est hyper inspirante pour cette génération-là.
Dans Le Temps des femmes, il est aussi question de charge mentale dans le couple. Constatez-vous ce progrès dans votre entourage ou à titre personnel ?
Je crois que ça avance là-dessus. Dans mon entourage, j’ai quand même beaucoup d’amies que j’admire et que j’envie parfois, dont les conjoints sont hyper impliqués et se partagent beaucoup plus les devoirs, les repas, les gestions administratives et tout le reste.
Comment avez-vous trouvé les femmes anonymes qui témoignent, notamment Marie-Odile ?
Karine Dusfour avait vraiment envie de trouver des femmes qui ont été filmées dans les années 60-70 et de voir si on arrivait à les retrouver aujourd'hui. C'est vrai que l'effet bon dans le temps permet de revisiter le passé, mais surtout de balayer le temps d'une vie à l'heure des révolutions actuelles. D'ailleurs, on a montré ces archives à toutes les femmes anonymes ou célèbres qui font partie du documentaire. Elles ont toutes été saisies par ces images. Et c’était très émouvant de regarder Marie-Odile se replonger dans sa rébellion à l’âge de 19 ans. L’idée c’était que chaque femme s'exprime à partir d'une archive marquante où on la voit 2 ans, 20 ans ou 40 ans en arrière.
Mélissa Theuriau : "Il nous semblait important d'être entre femmes pour recueillir cette parole"
Dans le programme, beaucoup de femmes disent ne plus courir après l'argent, ni après l'amour, mais après le temps. Est-ce que c'est votre sentiment à vous aussi ?
Je suis hyper heureuse que ce soit quand même le constat qu'on fait toutes. Ça m'a rassuré. L'objet du film, c'était justement de faire ce constat-là en regardant toutes celles qui ont dépassé les injonctions et qui n'avaient pas envie de se laisser enfermer dans une représentation qui leur était assignée. Mais aujourd'hui, le constat, c'est le temps. Il faut attendre Amina pour nous dire : “J'ai plus mon mari, j'ai plus mes enfants, j'ai enfin du temps. Quel kiff !”
À la fin du documentaire, trois jeunes filles indiquent qu'il n'y a que des femmes sur le plateau. C'était important pour vous ?
Ça nous tenait à cœur avec Karine. Il faut savoir que ce sont des interviews très longues, et c'est aussi une intimité partagée. C'est un gage de confiance qu'elles nous font. Il nous semblait important d'être entre femmes pour recueillir cette parole.
Une des thématiques abordées est aussi le fait de vieillir. C'est quelque chose qui vous fait peur ?
Non, de moins en moins. Enfin, comme tout le monde, on n'a pas envie de vieillir trop vite. Mais j'ai l'impression aussi qu'on arrive à chaque fois vers un peu plus de sagesse et un peu moins de culpabilité. Et donc, finalement, on récupère un peu de liberté et le regard des autres compte moins.
Le documentaire montre que nous avons pas mal progressé, mais qu'il reste encore beaucoup de progrès à faire. Pensez-vous qu'un jour on arrivera à l'égalité ?
J'aimerais bien. De toute façon, il faudra qu'on se batte tant qu'on est de ce monde pour y arriver. Je compte sur la jeune génération aussi. Je me dis qu'il faut rester optimiste sur l'idée d'avoir les mêmes salaires. On progresse. On est un peu plus nombreuses et avec une bonne organisation collective, on peut y arriver !
Mélissa Theuriau : "C'est une liberté et une combativité qui me tiennent debout"
Après avoir tant travaillé sur ce projet, pensez-vous qu'il est enfin arrivé, le temps des femmes ?
Il n'est pas encore arrivé, mais je pense qu'on est quand même sur la bonne voie pour toutes s'aider les unes et les autres, ne pas se juger et avoir un peu plus de douceur, de bienveillance et de solidarité.
À la fin, Agnès Jaoui dit : "Les hommes aussi doivent répondre à des injonctions, mais ça, ça mériterait un autre documentaire." Est-ce prévu ?
J'aimerais bien. Je pense qu'un film sur les hommes aurait sa place, pour se demander comment ils trouvent leur place aujourd'hui. J'aimerais beaucoup que France Télévisions me fasse confiance pour ça. Mais cela ne s'appellerait pas Le Temps des hommes, parce que pour le coup, le temps, ils l’ont !
Cela fait bientôt 13 ans que vous n'êtes plus devant la caméra. Est-ce quelque chose qui vous manque ?
Je ne sais pas encore. Parfois, ça me manque et j'ai envie de renouer avec l'interview. Je le fais de temps en temps, de façon un peu plus cachée. Ça m’arrive d'interviewer des personnes dans les documentaires que je produis. Ce n'est pas forcément visible, mais je n'ai pas lâché cet exercice qui me plaît beaucoup. Il ne faut jamais dire non, parce qu'il peut y avoir de nouvelles choses qui se présentent. Et puis, j'ai une liberté qui est quand même très précieuse et que je perçois chaque jour. Convaincre des chaînes de vous suivre sur Mères en lutte, sur des dossiers juridiques très difficiles, sur des gens fragiles, c'est un sacerdoce aussi. Mais c'est à la fois une liberté et une combativité qui me tiennent debout, qui donnent un sens à ma vie. Je n'y renoncerai pas du tout aujourd'hui.
https://www.programme-tv.net/news/tv/393472-exclu-virginie-efira-florence-foresti-lena-situations-comment-melissa-theuriau-a-t-elle-reussi-a-convaincre-ces-personnalites-a-participer-a-son-documentaire/

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