Gafam : Washington menace l’UE de représailles si la régulation numérique européenne n’évolue pas

il y a 1 day 4

Les États-Unis ont menacé mardi l’Union européenne (UE) et ses pays membres de représailles s’ils ne revenaient pas sur leur régulation « discriminatoire » du secteur numérique, qui vise selon Washington à « restreindre, limiter et décourager » l’activité des entreprises américaines.

« L’UE et certains États membres ont persisté dans leur approche discriminatoire et (leur) harcèlement avec des procès, impôts, amendes et directives visant les fournisseurs américains de services », a écrit dans un message sur X le bureau du représentant de la Maison Blanche pour le Commerce (USTR), Jamieson Greer, nommé pour lutter « contre les pratiques commerciales étrangères déloyales ». Il liste de grands groupes européens, « Accenture — Amédée — Capgemini — DHL — Mistral — Publicis — SAP — Siemens — Spotify » qui ont selon lui « profité » d’un accès au marché américain sans trop de restriction et sans réciprocité.

Si les États européens « persistent », ajoute-t-il, « les États-Unis n’auront d’autre choix que d’utiliser tous les outils à disposition pour contrer ces mesures déraisonnables ».

Le sujet n’est pas nouveau : poussée par les géants de la technologie, qui ont largement soutenu Donald Trump pendant sa campagne dans ce but, la Maison Blanche n’a cessé de critiquer depuis le début de l’année les régulations européennes sur les services numériques et les enquêtes et amendes infligées par la Commission européenne.

Depuis 2020, les États-Unis reprochent à l’Europe de vouloir exercer un « racket réglementaire » et une forme de guerre commerciale déguisée contre les Gafam. L’Europe, elle, considère comme légitimes ses mesures de régulation prises pour contenir la puissance supra étatique et les nombreuses dérives de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Elle a notamment adopté en 2023 le Digital Services Act dans ce but.

« Nos règles s’appliquent de manière égale et équitable », répond Bruxelles

L’UE reproche à ces compagnies d’abuser de leur position dominante, notamment dans l’utilisation des données personnelles, et, preuves à l’appui, leur a plusieurs fois infligé de fortes amendes. En septembre dernier, la Commission européenne a infligé une amende de 2,95 milliards d’euros à Google pour avoir abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en ligne. Une amende jugée colossale, à comparer toutefois à ses résultats : en 2024, Google a généré 350 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dégageant un bénéfice de 100 milliards de dollars. Début décembre, Bruxelles a également sanctionné le réseau X d’Elon Musk, à hauteur de 120 millions d’euros.

Pourtant la justice américaine impose elle aussi, parfois, des sanctions aux géants du numérique. Ainsi Google a-t-elle été condamnée en septembre par une cour fédérale de San Francisco pour atteinte à la vie privée. Il s’agissait de dédommager - à hauteur de 425,7 millions de dollars - près de 100 millions d’utilisateurs pour avoir collecté leurs données personnelles, alors même qu’ils avaient désactivé le paramètre de suivi.

Répondant aux reproches de Greer, l’UE a assuré qu’elle allait continuer à réguler le secteur « équitablement » malgré les menaces américaines. « Comme nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, nos règles s’appliquent de manière égale et équitable à toutes les entreprises opérant dans l’UE », a déclaré Thomas Regnier, porte-parole de la Commission européenne.

Washington a appelé à plusieurs reprises l’UE à assouplir ses directives relatives au secteur du numérique, mettant notamment dans la balance un abaissement possible des droits de douane imposés à l’acier et l’aluminium européens.

Une position que regrette Luther Lowe, un des principaux responsables de Ycombinator, un important incubateur de start-up dans la Silicon Valley, qui y voit, dans un message posté sur X, « une trahison navrante vis-à-vis de la + petite tech + » de la part « d’une partie du gouvernement américain sous la coupe » des grandes entreprises du secteur. « La directive sur le marché européen du numérique (DMA) débloque des parts de marché pour les petites entreprises américaines » du secteur du numérique, a-t-il défendu. « Elle devrait être copiée et non attaquée ».

Cette loi est entrée en vigueur en 2023 pour lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne, et impose des obligations renforcées aux plus grandes plates-formes actives dans l’UE.

Lire l’article en entier