Imaginer la flore des exoplanètes : l’herbier astrobotanique de Vincent Fournier

Le vaisseau s’est à peine arrêté que, à l’abri dans votre combinaison, vous posez le pied sur une nouvelle planète. Bienvenue sur la lointaine Novathis-458b, où le vent souffle à plus de… 24 000 kilomètres par heure ! Pourtant, çà et là pointent des fleurs, des Rosa aetherialis pour être précis. Comment font-elles pour résister aux conditions dantesques ? L’évolution les a pourvues de quelques adaptations indispensables. Les pétales s’enroulent en spirale autour des organes reproducteurs, pistil et étamines, et guident les rafales vers le pollen qui sera ensuite emporté pour aller féconder ailleurs d’autres plants.

La planète n’existe pas, mais elle est pourtant réaliste. La preuve, en janvier 2025, des astronomes de l’université Georg-August, à Göttingen, en Allemagne, ont montré que sur WASP-127b (découverte en 2016), une exoplanète située à 520 années-lumière de la Terre, des vents soufflent à près de 28 000 kilomètres par heure ! Dans le Système solaire, le record est détenu par des vents enregistrés à 1 800 kilomètres par heure sur Neptune.

Revenons à Rosa aetherialis. Elle est un spécimen de la Flora incognita imaginée par l’artiste et photographe Vincent Fournier. Il s’agit d’espèces imaginaires pensées pour des mondes se rapprochant d’exoplanètes possibles. Sachant qu’à ce jour, on en a découvert plus de 7 000, l’éventail des possibles est gigantesque.

La fleur Rosa Aetherialis poussant sur l'exoplanète Novathis-458b.

© Vincent Fournier. Courtesy Galerie Rabouan Moussion

Un autre exemple ? Sur Polaris-9b, les interactions gravitationnelles avec une étoile proche et une lune massive provoquent d’importants effets de marée qui se traduisent par une gravité particulièrement fluctuante. Pour y résister, Nerina vortix (Nerina est le genre, sur Terre, des amaryllis et des narcisses) a adopté une corolle de forme hélicoïdale et flexible grâce à laquelle elle peut ployer sur elle-même puis se redresser.

Pour créer sa flora incognita, dont plusieurs espèces sont exposées au domaine de Chaumont-sur-Loire, dans le cadre de l’exposition « Chaumont-Photo-sur-Loire », Vincent Fournier commence par prendre de très nombreuses photographies de plantes réelles. Il les réunit ensuite dans une image numérique composite tridimensionnelle (on parle de « photogrammétrie ») qu’il peut modifier et animer à loisir, en s’inspirant des conseils scientifiques de Marc Jeanson, directeur de l’Herbier national du Muséum d’histoire naturelle de Paris, et du paléontologue Jean-Sébastien Steyer.

Quelques spécimens de la Flora incognita

© Vincent Fournier. Courtesy Galerie Rabouan Moussion

Les contraintes posées par telle exoplanète imaginée guident alors la créativité pour faire éclore des formes de vie végétale capables de s’adapter à des écosystèmes extraterrestres. Et plus les milieux sont hostiles, plus des formes de vie singulières émergent. Finalement, cet herbier spéculatif est un écho artistique à la flore terrestre. En effet, les plantes à fleurs (ou angiospermes) sont présentes sur notre planète depuis quelque 200 millions d’années et se sont adaptées à de très diverses conditions environnementales : les plus de 300 000 espèces recensées représentent plus de 90 % de la biodiversité végétale rencontrée sur les terres émergées. Elles continuent de le faire, soumises néanmoins à de nouvelles pressions de sélection : réchauffement, pollution, espèces invasives…

On peut alors emboîter le pas à Vincent Fournier et, en empruntant sa démarche, imaginer les végétaux que découvrirait un individu débarquant sur notre planète dans quelques millions d’années. Que verrait-il ? Des dahlias aux feuilles parées de facettes en plastique ? Des tulipes aux pétales en forme d’aiguilles pour résister aux grosses chaleurs ?

Explorer la flora incognita devient alors un moyen de réfléchir aux enjeux environnementaux auxquels fait face notre planète, pour le moment la seule où nous pouvons admirer des coquelicots.