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Si nous reconnaissons immédiatement une bonne blague, il n’est facile ni d’en inventer une ni de décrire ce que nous trouvons drôle de façon générale. En la matière, aucune théorie ne fait l’unanimité. Comment, dès lors, expliquer l’humour à une intelligence artificielle ? C’est pourtant ce à quoi se sont essayés des chercheurs italiens dans une étude parue en 2025. Pour y parvenir, ils ont proposé une formule mathématique de la bonne blague : P = ⟨X, Y, XZ⟩ .
Un jeu de mots P (en anglais pun) est donné par trois termes X, Y et XZ. X décrit le sujet de la question, Y son but ou son intention et XZ la chute, qui est fabriquée en ajoutant un suffixe Z à X. D’un point de vue purement formel, la structure de la blague est donc la suivante : « Comment appelle-t-on un X qui Y ? XZ ! » Pour clarifier le concept, les auteurs fournissent un exemple (intraduisible) en anglais : « How do you call a dog that is incontrovertibly true ? Dogma ! »
À vous de voir si vous trouvez ça drôle, mais c’est au moins un jeu de mots formellement correct. Le sujet dog est devenu, par l’ajout de ma, un nouveau mot (dogma), différent du terme original. Et c’est une réponse appropriée à la qualification Y (« incontrovertibly true »).
Plus de 300 blagues de ce type ont été construites pour les besoins de l’étude : « What do you call a cat that is clear and obvious ? Categorical ! », « What do you call a rat that is obsessed with stats ? Ratio ! », etc. La qualité de l’humour est toujours discutable, mais c’est une bonne base pour vérifier si des modèles linguistiques comme ChatGPT comprennent le concept. Les chercheurs ont fait analyser ces exemples à neuf modèles courants et leur ont demandé de construire leurs propres jeux de mots selon la structure indiquée. Pour un résultat plutôt mitigé. Non seulement les IA ne comprenaient pas toujours les blagues, mais elles étaient particulièrement peu douées pour en inventer de nouvelles. Voici quelques exemples de leurs productions : « What do you call a van that draws maps ? Cartographer ! » Ou encore : « What do you call a bee that is a good listener ? Beear ! »
Vers une superintelligence ?
Dans le premier cas, la question et la réponse sont au moins grammaticalement correctes et il s’agit de vrais mots, même si la blague ne suit pas la structure prédéfinie et n’a rien de drôle. Dans le deuxième cas, le modèle a manifestement combiné les termes bee et hear pour former le mot beear… qui n’existe pas ! Et même s’il est théoriquement possible d’inventer un néologisme amusant, les IA ne comprennent pas du tout ce qu’un humain considère comme drôle.
Mais il vaut peut-être mieux qu’elles soient dépourvues d’humour. Pour l’informaticien Roman Yampolskiy, de l’université de Louisville, aux États-Unis, il serait inquiétant que l’IA se mette soudain à inventer de bonnes blagues. Car cela pourrait être le signe que nous avons affaire à une intelligence universelle, capable de surpasser la nôtre sur tous les plans.
Par mesure de sécurité, je viens de demander à ChatGPT une blague sur les formules mathématiques. Résultat : « Pourquoi les triangles sont-ils de si mauvais menteurs ? Parce qu’ils ont toujours un angle droit ! »
Il semble que nous n’ayons pas à nous inquiéter pour le moment…

il y a 1 day
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