Un projet titanesque. La Chine a démarré la construction d’un méga barrage en plein cœur de l’Himalaya le 19 juillet dernier. D’un coût estimé à 168 milliards de dollars, le système hydroélectrique installé sur le cours inférieur du fleuve Yarlung Tsangpo, au Tibet, devrait produire plus d’électricité que le barrage des Trois-Gorges, au centre de la Chine, aujourd’hui le plus puissant du monde.
Plus tôt cette année, le dirigeant chinois Xi Jinping avait affiché son ambition de renforcer son emprise sur la région. Lors d’un déplacement au Tibet, il avait appelé à mener ce projet « de manière énergique et efficace », rappelle CNN.
La configuration des lieux - la rivière perd près de 2000 m d’altitude sur une cinquantaine de km – combinée aux constructions permettrait de générer jusqu’à 300 milliards de kilowattheures d’électricité par an, soit trois fois plus que le barrage des Trois-Gorges, et de fournir plus de 100 millions de foyers. « Un bond épique vers la transition énergétique », félicite le média d’État China Matters.
Une « bombe à eau »
L’ouvrage constitue un exploit d’ingénierie aux yeux des experts. « C’est le système de barrage le plus sophistiqué et le plus novateur jamais conçu », estime Brian Eyler, directeur du programme Énergie, Eau et Développement durable du groupe de réflexion Stimson Center à Washington auprès du média américain. Et d’ajouter : « C’est aussi le plus risqué et potentiellement le plus dangereux. »
La Chine affirme de son côté avoir mené toutes les recherches nécessaires en amont de la construction. Mais les autorités n’ont pas rendu public les impacts précis sur les écosystèmes ni l’étendue des zones inondées. Selon les documents analysés par CNN, elles pourraient s’étendre sur près de 150 km.
De quoi inquiéter les populations environnantes qui ont commencé à être relogées. En aval du fleuve, l’Inde et le Bangladesh s’inquiètent des répercussions sur la pêche, l’agriculture et la gestion des crues.
Selon le ministre en chef de l’Arunachal Pradesh, Pema Khandu, le barrage pourrait être une menace pour la population et être utilisé comme une « bombe à eau » par la Chine. « On ne peut pas faire confiance à la Chine, estime-t-il auprès de l’agence de presse indienne Press Trust of India. Personne ne sait ce qu’elle fera ni quand. »
Sans compter que l’inondation du site, qui abrite des forêts et des espèces menacées, pourrait menacer la biodiversité. « Les rivières ne s’arrêtent pas aux frontières des parcs nationaux, pas plus que les léopards des neiges et autres animaux, les plantes et les arbres », rappelle de son côté l’historienne spécialisée Ruth Gamble, qui travaille à La Trobe University, en Australie.




