Des vases, statues, bijoux antiques saisis dans une galerie bruxelloise sont revendiqués par Rome, qui se heurte aux dénégations des marchands. Une enquête a été ouverte pour association de malfaiteurs.
Des vases, statues, bijoux datant de l'Antiquité. Des dizaines de vestiges archéologiques saisis dans la galerie belge de deux marchands d'art sont revendiqués par l’Italie, qui espère se les voir restituer prochainement. Ces artefacts auraient été pillés il y a plusieurs dizaines d’années sur son territoire, sans qu’il soit possible d’en retracer la trajectoire avec précision. « Une enquête a été ouverte en Belgique pour association de malfaiteurs, blanchiment d’argent, recel et usage de faux », déclare à l’AFP le procureur de Rome Stefano Opilio.
Selon lui, la provenance italienne de 283 pièces a pu être établie de façon « certaine » pour 132 d’entre elles, et « probable » pour 151 autres, le reste du stock provenant de pays comme l’Égypte, l’Irak ou encore la Syrie. Il y a six ans, la justice belge avait saisi 566 pièces dans un entrepôt bruxellois de la Phoenix Ancient Art, société établie à Genève et dirigée par les marchands d'art Hicham et Ali Aboutaam, selon le parquet fédéral belge.
Une rare coopération
Début 2025, une équipe conjointe d'enquêteurs belges et italiens a été formée, donnant lieu à une procédure « un peu pilote », souligne Stefano Opilio. Qu’« un pays qui saisit des pièces provenant d'un autre se mette à disposition, mais surtout permette la mise en place d'une équipe de coopération internationale afin de les restituer » est « quasiment unique », estime le colonel Befera.
Une vingtaine de pièces ont déjà pu être formellement identifiées comme italiennes grâce aux photos d’archives des grands trafiquants d'art figurant dans la banque de données des carabiniers. Le reste des œuvres a fait l'objet d'une expertise. Les vestiges datent « du VIe siècle avant J.-C. jusqu’au IIIe siècle après J.-C., et proviennent de l'Italie centrale et méridionale » ainsi que de Sicile, détaille le colonel Befera.
Afin de s’assurer leur restitution, l'Italie a émis en juillet une ordonnance de saisie et de confiscation portant sur les 283 vestiges. Mais le projet se heurte aux dénégations de Hicham et Ali Aboutaam , qui estiment que la propriété des œuvres ne peut leur être contestée. En Belgique, ces frères demandent depuis plusieurs années la levée de la saisie de 2019, qui a entraîné la liquidation de leur galerie bruxelloise. Une audience a été fixée à février devant la cour d'appel de Bruxelles, selon leur avocat, Yves-Bernard Debie, joint par l’AFP.
«L’enquête n’a rien démontré»
« Depuis six ans, bientôt sept, l’enquête n'a rien démontré. Mes clients n'ont pas été inculpés », souligne Yves-Bernard Debie, assurant que les œuvres saisies « ont toutes une provenance légale documentée ». « En désespoir de cause, les enquêteurs échouant à démontrer une quelconque illégalité, ont demandé aux pays étrangers supposés d'origine (...) de revendiquer les œuvres », regrette-t-il.
L’avocat accuse l'Italie de mener depuis plusieurs années « une politique extrêmement extensive de revendication d'objets archéologiques, qu'elle qualifie de romains, étrusques ou apuliens , en soutenant systématiquement sans preuve qu'ils seraient sortis illégalement de son territoire ».
Même son de cloche chez les défenseurs italiens des deux marchands. « Les documents d'enquête ne contiennent aucune preuve, même indirecte, reliant les vestiges en question à des fouilles clandestines et/ou à des exportations illicites », insistent Francesco Emanuele Salamone et Francesca Guerriero auprès de l'AFP. Ils soutiennent que les Aboutaam ont « acquis ces objets à l'étranger (...) auprès d'antiquaires, de collectionneurs et de professionnels du secteur de renommée internationale ».
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130 millions d’euros récupérés en 2024
L’Italie, qui a durci sa législation en la matière en 2022, est très impliquée dans la recherche de son patrimoine. L’an dernier, les carabiniers en charge de la protection des biens culturels ont ainsi récupéré plus de 80.000 œuvres - dont plus de la moitié était des vestiges archéologiques - pour une valeur d’environ 130 millions d’euros, selon leur dernier rapport.
« En moyenne, nous récupérons environ 2000 pièces par an provenant de l’étranger », principalement des États-Unis, précise le colonel Paolo Befera, à la tête de l’unité des carabiniers chargée de la protection du patrimoine culturel. Rome vient d’ailleurs de renouveler pour cinq ans un protocole d’accord en vigueur depuis 2001 avec les États-Unis afin de lutter contre le trafic illicite de biens archéologiques.

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