Un véritable sacre pour le jeu vidéo français. Avec neuf trophées sur onze nominations, « Clair Obscur : Expedition 33 » s’est imposé comme l’un des grands vainqueurs de la douzième édition des Game Awards à Los Angeles, souvent considérés comme l’équivalent des Oscars du jeu vidéo, qui a eu lieu ce jeudi.
Sacré « meilleur jeu indépendant », récompensé pour sa direction artistique et sa narration, il a surtout décroché le titre de « jeu vidéo de l’année » : une première pour une production française. Depuis sa sortie en avril, le jeu s’est écoulé à plus de 5 millions d’exemplaires… Mais pourquoi un tel succès ?
Pour Julien Tellouck, spécialiste jeu vidéo sur Game One et Fun Radio, la victoire de « Clair Obscur : Expedition 33 » était « une évidence ». Selon lui, le jeu s’est imposé comme « la grosse surprise de l’année » et même « le petit chef-d’œuvre » de 2025.
« Ils ont surpris tout le monde »
« Pour une fois, on a une histoire vraiment différente des autres », dit-il. Situé dans un univers post-apocalyptique inspiré du Paris de la Belle Époque, le jeu met en scène une mystérieuse entité, « la Peintresse », qui efface chaque année les habitants d’un âge désigné. Les joueurs suivent une expédition de jeunes de 33 ans qui vont essayer de déjouer ses plans. « C’est un scénario qu’on n’a jamais vu auparavant, ni dans un film ni dans une série », salue Julien Tellouck.
Derrière cette production : le jeune studio montpelliérain Sandfall Interactive, fondé en octobre 2020 par Guillaume Broche, Tom Guillermin et François Meurisse, tous trois anciens développeurs chez Ubisoft.

« C’est vraiment incroyable ce que ce petit studio de Montpellier a réussi à accomplir. Ils ne sont pas beaucoup, ont travaillé dur sur ce jeu, et pourtant ils ont surpris tout le monde », insiste Julien Tellouck.
Le spécialiste souligne le budget du jeu : 10 millions de dollars, un petit budget par rapport aux grands jeux récompensés habituellement. « Les gros jeux c’est 200 millions de dollars. Donc là, vendre cinq millions d’exemplaires, c’est beaucoup, même s’il faut qu’il dépasse les 10 millions d’exemplaires pour que ce soit excellent », détaille-t-il.
« Un jeu générationnel »
Le design du jeu a également participé à son succès. « Ce jeu est un hommage aux jeux RPG japonais comme Final Fantasy avec lesquels les développeurs ont certainement grandi », pointe la joueuse professionnelle Kayane. « Ils en ont repris tous les codes pour réenchanter les jeux tour par tour et aboutir à un jeu générationnel », analyse cette créatrice de contenus spécialisée dans les jeux vidéo de combat.
Même constat pour le responsable du game design à WolfEye Studios, Gaël Giraudeau : « Le design est extrêmement intelligent. Il vise à améliorer le tour par tour en y emmenant du temps réel. Ils ont utilisé un moteur de jeu avec les fonctionnalités qu’il embarque, sans réinventer la roue. »
Vidéo« Clair Obscur : Expedition 33 » le jeu vidéo français sacré aux Game Awards
Et d’ajouter : « On est extrêmement fier, en tant que Français, d’avoir une pépite comme ça. Avec un budget et une équipe limités, cela montre un savoir-faire impressionnant. Les créateurs figurent parmi les meilleurs en termes de cinématiques et d’expressions faciales. »
En somme, « tout est réussi, du game-play à l’univers ou la direction artistique et le scénario » ajoute Pape San, créateur de contenus de voyage et grand fan de jeu vidéo. « Il a la plus belle bande-son jamais écoutée dans un jeu vidéo. Elle raconte subtilement l’histoire avec les paroles », souligne-t-il.
Des personnages féminins « au second plan »
La musique originale a d’ailleurs séduit au-delà des gamers : « Tous les concerts sur la musique du jeu se remplissent en quelques minutes. C’est un record pour un titre à peine sorti en avril », rappelle Kayane.
Le jeu a évidemment moins plu à certains. Pour Ach Underscore, youtubeuse et streameuse, les 25 à 30 heures passées à terminer « Clair Obscur : Expedition 33 » laissent un sentiment plus mitigé. « J’ai été jusqu’au bout, mais pas tellement charmée, explique-t-elle. C’est un bon jeu, agréable à jouer, mais qui ne m’a pas énormément marquée. » Elle souligne une direction artistique « jolie », mais faite de « cascades d’effets qu’on voit un peu partout », ainsi qu’une musique « assez classique, déjà entendue » dans de nombreux jeux.
Elle pointe aussi plusieurs limites, notamment dans la représentation des personnages : « Les protagonistes féminins sont très lisses, très poupées. Elles suivent le héros, l’aident, mais restent au second plan. » Elle regrette également que « le seul personnage noir meure après deux lignes de dialogue ».
Pour remercier ses fans et célébrer son triomphe, le studio a annoncé ce vendredi la sortie d’une DLC, une mise à jour gratuite du jeu à télécharger.




