Le marché de la cocaïne dépasse, en valeur, celui du cannabis en France, avec 3,1 milliards d’euros de recettes contre 2,7 milliards d’euros. Cette information, révélée par l’Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT), a fait grand bruit. La consommation de cocaïne a ainsi beaucoup progressé en France, passant de 15 tonnes en 2010 à 47 tonnes en 2023 (soit + 214 %).
Une expansion de cette poudre blanche qui interroge autant qu’elle inquiète. Nous avons posé quelques questions au Pr Laurent Karila, addictologue à l’Hôpital Paul Brousse (AP-HP) à Villejuif (Val-de-Marne), et auteur des podcasts ADDIKTION et PSYCHIK.
Question : à partir de quelle dose et/ou fréquence une dépendance à la cocaïne peut s’installer ?
Pr Laurent Karila : « Il n’y a pas de dose minimale pour l’addiction à la cocaïne et c’est vrai pour n’importe quelle substance. L’addiction à la cocaïne est définie par différents éléments résumés dans le moyen mnémotechnique suivant : 5 C pendant 12 mois avec dépendance physiologique :
- perte de Contrôle de la consommation ;
- usage Compulsif (on ne peut pas s’empêcher de consommer) ;
- Craving (envie irrépressible de consommer) ;
- usage Chronique (consommation régulière : une fois tous les week-ends, ou 2 à 3 fois par semaine, ou tous les jours) ;
- Conséquences sur la santé physique, psychique et sociale.
Il y a une dépendance physiologique, que l’on peut résumer par des symptômes de manque et/ou un phénomène de tolérance, c’est-à-dire que la personne augmente les doses pour retrouver les effets des premières fois qu’il ne retrouvera jamais ».
Q : la dépendance est-elle plutôt physique ou psychique, ou les deux ?
Pr L.K. : « On n’utilise plus ces termes. Il y a l’intoxication aiguë, c’est-à-dire la consommation active de cocaïne, qui ressemble à un épisode maniaque comme dans le trouble bipolaire, où la personne est excitée sur le plan physique et psychique, et il y a un syndrome de sevrage possible à l’arrêt de la consommation qui ressemble à une dépression.
Q : quels sont les risques et complications sur le long terme ?
Pr L.K. : « Il y a des risques physiques, psychiatriques et cognitifs.
- Sur le plan physique, il y a un risque cardiaque (infarctus, trouble du rythme), neurologique (AVC, convulsions), infectieux avec le partage de matériel de consommation ou les risques sexuels (IST, VIH, hépatite C…), ORL lorsqu’elle est sniffée (rhinite, sinusite, perforation septale, lésions destructrices de la ligne médiane, pharyngites), pulmonaire lorsqu’elle est fumée (infection, pneumothorax, hémorragies…).
- Sur le plan psychiatrique, il existe un risque de dépression, de crises d’angoisse, de tentatives de suicide (2e substance à risque après l’alcool), d’épisode délirant, de paranoïa induite.
- Sur le plan cognitif, il existe des anomalies de l’attention et de la mémoire chez les consommateurs occasionnels à terme et des désordres majeurs chez les sujets addicts ».
Q : acheter et consommer un demi-gramme plutôt qu’un gramme change-t-il quelque chose en termes de dépendance, de risques ?
Pr L.K. : « Personne n’est égal devant une substance. Ce n’est pas une question de quantité ! Une chose est sûre avec la cocaïne : consommer un demi-gramme ou un gramme signifie un risque d’accident cardiaque multiplié par 24 une heure après la consommation ».
Q : selon vous, pourquoi la cocaïne, longtemps réputée chère et réservée à une élite festive et privilégiée, s’est-elle banalisée jusqu’à devenir « mainstream » voire tendance ?
Pr L.K. : « Elle n’est pas tendance. La chute des prix et un marché relativement vierge en France il y a plusieurs années ont contribué à sa démocratisation.
Elle a été rendue accessible, désacralisée, utilitarisée, et culturalisée, dans un contexte où les pressions sociales et professionnelles créent un terrain favorable ».
Sources
Source 1 : Entretien avec le Pr Laurent Karila, addictologue (Hôpital Paul Brousse, AP-HP), le 11/12/25.

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