De la RDC à la Thaïlande : Donald Trump, faiseur de paix… ou faiseur d'illusions ?

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Sur scène, quelques instants après avoir reçu le "prix de la paix de la Fifa", créé par un de ses proches, Donald Trump se vante d'avoir "sauvé des millions de vie", citant le Congo, l'Inde, le Pakistan, "tant de guerres de guerres auxquelles nous avons réussi à mettre fin" ou à éviter. Huit guerres au total. Mais premier hic, deux d’entre elles n’ont jamais existé.

La Serbie et le Kosovo - qui ont, certes, des relations particulièrement tendues - ont signé en 2020 un accord de normalisation économique en présence du président américain. Mais un accord de paix, jamais. L’autre peace deal qui n’en est pas un : des tensions autour d’un méga barrage construit sur le Nil par l’Ethiopie, que l’Egypte perçoit comme une "menace existentielle". Donald Trump ne semble pas avoir joué un rôle pour apaiser les discordes, loin de s’être depuis dissipées.

Second hic, les six autres accords ont montré quelques fragilités. Un bilan finalement compromettant pour l’homme qui brigue ouvertement le prix Nobel de la paix.

"Passer un coup de téléphone"

Depuis le 26 octobre, Donald Trump s’érige en artisan de l'"accord historique" signé entre la Thaïlande et le Cambodge. Une signature officielle faisant suite au cessez-le-feu obtenu avec l’aide de la Chine et de la Malaisie en juillet, dont l’Américain s’était attribué toute la gloire. Mais le dernier accord en date n’aura tenu que deux semaines, suspendu par la Thaïlande le 10 novembre après l’explosion d’une mine terrestre à proximité de la frontière.

Dimanche 7 décembre, les hostilités ont repris, faisant au moins 19 morts. Les affrontements sont "plus intenses cette fois qu’en juillet", a assuré à l’AFP Lay Non, un habitant ayant fui un village cambodgien. Plus de 500 000 personnes ont été contraintes d’évacuer les zones de combats.

Un accord instable donc, signé à la va-vite, plus rapide que qualitatif. Le premier ministre thaïlandais, Anutin Charnvirakul, en est conscient : "Entre dirigeants, il ne s’agit pas seulement de passer un coup de téléphone. Il y aura un rendez-vous prévu et des sujets précis à aborder".

Peace deals ou business deals

Et Donald Trump est familier de ces signatures plus médiatiques que diplomatiques. A Washington, le 4 décembre, devant un parterre de caméras, il parvient à un accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Ce qu’il qualifie de "miracle", n’aura en pratique aucun effet sur l’Est Congolais, région en proie au conflit depuis plus de 30 ans.

Ce mardi 9 décembre, le groupe armé M23, qui combat l’armée congolaise a pénétré dans la ville stratégique d’Uvira. Une "gifle" à Washington, dans les termes du Burundi voisin, dont le président avait déjà alerté de la précarité de l’accord. "S’engager sur un plan de paix est une chose, le mettre en œuvre en est une autre", ébruitait Evariste Ndayishimiye.

Pourtant Donald Trump semblait optimiste pour l’avenir. Lors de la cérémonie de signature il déclare à proximité des oreilles du Monde : "Ils [Congolais et Rwandais] ont passé tant de temps à s’entretuer, maintenant ils vont passer du temps à s’étreindre […] et profiter économiquement des Etats-Unis". Le mot-clé : économie. Un paramètre qui semble être au cœur de la stratégie de la Maison-Blanche. Et le président congolais n’a pas manqué d’abreuver ses désirs avec la proposition d’un accès préférentiel pour Washington à ses richesses minières.

Une impression de déjà-vu ? Lorsqu’il était question de la guerre en Ukraine menée par la Russie, le président américain proposait sa protection à son homologue Volodymyr Zelensky… en échange des ressources minérales de son pays. Car finalement les "peace deals" du dirigeant milliardaire ressemblent plus à des business deals.

Des réussites qui demeurent fragiles

Certains accords payent plus que d’autres. C’est le cas du cessez-le-feu entre Israël et Gaza, arraché par Donald Trump, comme promis, quelques mois après son retour au pouvoir. Une réussite plus grande en apparence qu’en pratique. Car si cessez-le-feu il y a eu, son maintien reste précaire.

Depuis le 10 octobre, date de son entrée en vigueur, des violences ont continué à exploser. 370 Palestiniens ont perdu la vie dans des frappes israéliennes, ainsi que de trois soldats de l’Etat Hébreu. Et la deuxième phase du plan américain, destiné à consolider le cessez-le-feu peine à se mettre en place. Une dépouille d’otage - dont la restitution est exigée par Israël pour engranger la suite du plan de paix - est toujours retenue par le Hamas. Quant au mouvement islamiste, il estime que la deuxième étape "ne peut pas commencer" tant qu’Israël "poursuit ses violations de l’accord", a affirmé mardi à l’AFP un membre de son bureau politique, Hossam Badran. Un schéma qui se reproduit dans d’autres conflits où Donald Trump s’est impliqué.

En juin, Israël a lancé une offensive contre l’Iran pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique. Attaque à laquelle les Etats-Unis se sont rapidement joints. 12 jours plus tard, Washington a annoncé un "cessez-le-feu total" entre les deux pays. Une trêve dont la stabilité reste incertaine, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, refusant de céder sur la question de l’enrichissement d’uranium.

Quant à l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui se sont livrés deux guerres au sujet de la région contestée du Karabakh, leurs dirigeants ont paraphé en août, à la Maison-Blanche, un projet d’accord de paix. Mais l’aboutissement d’une signature officielle demeure incertain.

Enfin, des affrontements entre le Pakistan et l’Inde ont fait plus de 70 morts en mai 2025. Lorsque Donald Trump a annoncé un cessez-le-feu entre les pays d’Asie du Sud, le Premier ministre indien, Narendra Modi, a nié toute implication étrangère dans la résolution du conflit.

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