Ce sont des chiffres, des gros, et des lettres qui, ensemble, forment une condamnation en règle. France Télévisions devra passer à la caisse. Selon nos informations, le conseil de prud’hommes de Paris a décidé, le 27 novembre, que le groupe audiovisuel public devra verser en tout près de 450 000 euros aux deux ex-figures historiques de l’émission « Des chiffres et des lettres », Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat. Dans le détail, le « Monsieur mathématiques » devra percevoir environ 230 000 euros et la spécialiste de la langue française près de 220 000 euros.
En cause, les conditions de leur départ de France Télévisions à l’été 2022. Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat avaient été remerciés après respectivement 47 et 36 ans de participation au jeu culte diffusé d’abord sur la Deux puis sur la Trois. Un départ « contraint et forcé », avaient-ils dénoncé à l’époque, récusant la version de France Télévisions d’un changement de formule — le jeu allait alors être transféré le week-end — qu’ils auraient refusé. « Des chiffres et des lettres » avait finalement disparu de la télévision en 2024 après un demi-siècle de diffusion.
Avait, alors, commencé pour Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat un long processus de contestation en justice des conditions de leur départ. Après un premier renvoi de leur affaire, le tandem avait pu plaider sa cause en janvier 2024 devant le conseil de prud’hommes de Paris. Et avait réclamé plus de 500 000 euros chacun à leur ex-employeur. Au cœur des débats, notamment, la question de la requalification en CDI des très nombreux contrats courts (dit CDD d’usage - CDDU) qu’ils ont signés avec France Télévisions pendant des décennies.
N’étant pas parvenus à dégager une décision majoritaire, les quatre conseillers prud’homaux avaient décidé en janvier 2024 de faire réentendre l’affaire par une formation de cinq juges, dont un magistrat de carrière. Une deuxième audience dite « de départage » a eu lieu le 4 septembre, débouchant sur une décision en date du 27 novembre, notifiée jeudi aux parties.
« Une exécution déloyale du contrat de travail »
Dans celle-ci, que Le Parisien a pu consulter, la justice fait droit à la demande des deux visages de « Des chiffres » de voir leurs nombreux CDDU « convertis » en CDI à temps plein. Et ce à compter du 13 mars 1975 pour Bertrand Renard et du 25 février 1986 pour Arielle Boulin-Prat. Salaire brut mensuel de référence retenu par les juges : 5 600 euros pour l’un et 5 400 pour l’autre.
Leur licenciement est par ailleurs jugé « nul », Bertrand Renard devant recevoir 136 000 euros et Arielle Boulin-Prat 129 000 euros à titre d’indemnité conventionnelle. « L’ensemble des échanges met en évidence une exécution déloyale du contrat de travail imputable à la société France Télévisions », tacle la justice dans sa décision, estimant aussi que le tandem âgé aujourd’hui de 70 et 72 ans a été victime d’une « discrimination fondée sur l’âge ». Chacun devra recevoir 10 000 euros de dommages et intérêts pour « rupture brutale et vexatoire » de la relation de travail.
« Nous sommes très satisfaits sur les principes », commente Maître Juliette Mascart, qui représente Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat. Est-ce que le compte est bon ? Pas sûr. L’avocate ne s’interdit pas de faire appel afin que la « nullité et les circonstances de leur licenciement soient mieux indemnisées ». Joint, France Télévisions n’a pas souhaité faire de commentaires.




