Les "Orbanomics", cocktail singulier de nationalisations et d’allègements fiscaux, ont du plomb dans l’aile. Jusqu’à la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine, la politique économique du Premier ministre hongrois Viktor Orban, arrivé au pouvoir en 2010, avait permis de sortir le pays de l’ornière. Mais depuis, la croissance stagne : - 0,9 % en 2023, + 0,6 % en 2024 et + 0,2 % sur les trois premiers trimestres de 2025, alors que le pouvoir pronostiquait cette année + 6 %. Le déficit pourrait finalement s’élever à 13,3 milliards d’euros, soit 5 % du PIB. Quant à la dette publique, elle atteignait, en mars, 163 milliards d’euros, deux fois plus qu’il y a cinq ans.
Les 20 milliards d’euros de fonds bloqués par l’Union européenne, en raison des entorses à l’Etat de droit, manquent cruellement dans les caisses. Le ralentissement du secteur automobile européen, concurrencé dans l’électrique par l’armada chinoise, fragilise aussi la Hongrie qui accueille Audi, Opel ou Mercedes sur ses terres. A la ville comme à la campagne, le coût de la vie explose. Les prix ont grimpé de 50 % depuis 2020. L’inflation, qui culminait à 26 % durant l’hiver 2023, reste deux fois plus élevée que dans la zone euro avec 4,3 % relevés en octobre. D’après une étude récente d’Ipsos, 43 % des Hongrois disent ne plus avoir d’argent à la fin du mois. L’an dernier, selon Eurostat, la Hongrie était la lanterne rouge de la consommation par habitant dans l’UE, affichant l’un des plus faibles PIB en parité de pouvoir d’achat parmi les Vingt-Sept.
Péter Magyar, l’opposant qui monte
Pour redorer son blason, le gouvernement multiplie les cadeaux, quitte à creuser un peu plus le trou des finances publiques : hausse du salaire minimum, prêt à 3 % pour les primo-accédants à la propriété, exonération à vie d’impôt sur le revenu pour les mères de trois enfants. Une prodigalité qui n’enraye pas l’ascension du rebelle Péter Magyar, un ex-serviteur du régime qui dénonce aujourd’hui la dégradation du pouvoir d’achat et le système clientéliste d’Orban.
Favori des sondages pour les législatives d’avril prochain, ce quadra défend un "New Deal" rooseveltien. Il promet d’améliorer le système de santé, moderniser le rail, financer l’école, revaloriser les retraites et construire des logements locatifs dans un pays champion d’Europe de la flambée des prix immobiliers (+ 350 % depuis 2015). L’eurodéputé s’engage, en outre, à racheter les actifs nationaux "volés" par le clan Orban et à convaincre Bruxelles de lâcher du lest sur les fonds européens.
Dans une interview au Financial Times, Magyar estime que la politique économique "non-orthodoxe" d’Orban "nuit" à la Hongrie. Partisan de l’euro, il souhaite restaurer la confiance des marchés et des investisseurs, afin de relancer la croissance. Pour défier les candidats du Fidesz, adoubés par Orban, le chef de la formation Tisza présente des néophytes en politique : médecins, avocats ou chefs d’entreprise. Des professions libérales qui se sont détournées au fil des années du Premier ministre.
Donald Trump à la rescousse ?
"Le résultat des élections sera surtout déterminé par la situation économique, pas la politique étrangère. Quel que soit le vainqueur, il sera impossible d’échapper à la réduction des dépenses et à l’augmentation des impôts. Mais si Tisza l’emporte, cela pourrait mettre fin à l’immobilisme", estime l’économiste Viktor Zsiday.
Les médias proches du pouvoir tirent à boulets rouges sur le rival d’Orban, accusé de vouloir sacrifier les acquis sociaux mis en place depuis 2010. Des messages également martelés sur les réseaux, via des vidéos conçues par intelligence artificielle.
En guise de bouée économique, l’homme fort du pays s’appuie sur un crédit chinois d’un milliard d’euros et un potentiel parapluie américain, qui reposerait sur deux options : une ligne bancaire de secours ouverte par le groupe new-yorkais Citigroup, ou un échange de devises comme celle accordée à l’Argentin Javier Milei, dont le but était de stabiliser le peso et de lutter contre l’inflation. Des financements "quasi illimités", clame Orban. Qui se verrait bien, comme son homologue d’Amérique du Sud, sortir victorieux d’une élection annoncée perdue grâce à un gros coup de pouce de Donald Trump. Si tant est que ce dernier passe à l’acte, ce qu’il n’a pas confirmé…

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