Alors que le biathlon arrive en France cette semaine, pour l’étape de Coupe du Monde du Grand-Bornand, juste avant les JO 2026 de Milan-Cortina, penchons-nous sur le financement des athlètes de haut niveau dans ces sports peu professionnalisés. Parcours du combattant.
À la télévision comme sur les pistes, l’équipe de France de Biathlon a commencé sa saison tambour battant, avec douze podiums (dont cinq victoires) sur les seize courses disputées sur les premières étapes d’Östersund et Hochfilzen. Une entame en fanfare qui confirme la très bonne santé de ce sport de ce côté des Alpes. Une réussite due au talent des athlètes tricolores bien sûr mais aussi à l’accompagnement dont ils disposent pour se préparer dans les meilleures conditions. Dans un sport non professionnel aux frais élevés, il est pourtant souvent difficile d’arriver au plus haut niveau.
Le sport de haut niveau, une ambition onéreuse
Voyages, inscription aux compétitions, logement sur place, matériel technique, entraîneurs, préparateurs physiques et mentaux… La liste des dépenses est longue lorsque l’on souhaite devenir un athlète de haut niveau et le rester. Des frais qui ne sont pas entièrement couverts par des primes de résultats souvent très loin des fantasmes d’un imaginaire collectif faussé par le football et ses salaires à huit chiffres. Alors que le montant des primes IBU de Lou Jeanmonnot, les plus élevées du biathlon français pour 2025, s’élèveraient ainsi à 115 000 €, on estime le coût d’une saison sur le circuit à 90 000 € pour un senior et 25 000 € pour un junior. Le calcul est vite fait, sans aide extérieure, l’équation est négative.
Alors, bien sûr, les meilleurs d’entre eux bénéficient de sponsors privés, de marques qui les accompagnent, mais ces partenaires arrivent généralement une fois que l’athlète est déjà un champion accompli. Pour le devenir, une seule solution, compter sur le soutien de l’État. À travers les équipes de France évidemment, qui prennent en charge un bon nombre de dépenses mais également d’autres soutiens institutionnels.
Sport et armée, une histoire qui dure
Armée de Terre (Fabien Claude, Émilien Claude, Antonin Guigonnat, Éric Perrot, Paula Botet, Sophie Chauveau, Lou Jeanmonnot), Douane (Braisaz-Bouchet, Simon, Fillon-Maillet), Gendarmerie Nationale (Océane Michelon) et plus récemment Police Nationale (Jeanne Richard), toutes ces institutions accompagnent le développement de jeunes, et moins jeunes, biathlète depuis de nombreuses années.
En effet, l’Armée de terre accompagne des athlètes liés au ski militaire et aux chasseurs alpins depuis les années 1930 et les premiers biathlètes français dans les années 1950 étaient exclusivement des militaires. S’en est suivi le fameux « Bataillon de Joinville », premier vrai sport-études étatique qui a existé de 1956 à 2002, jusqu’à la fin du service militaire. La Douane lui a emboîté le pas dans les années 1980 avant que la Police Nationale ne crée elle aussi son équipe.
Le Team Police, un engagement fort
En novembre dernier, cette équipe se réunissait à Bessans en Savoie pour son regroupement annuel. L’occasion pour nous d’aller échanger avec la responsable de la mission sport au sein de la Police, la Commissaire Rachel Costard, qui nous a confié que « s’il y a toujours eu des champions qui étaient en réalité des policiers, l’accompagnement s’est structuré récemment avec la création du "Team Police" il y a trois ans, juste avant la Coupe du Monde de rugby ». Un team qui répond notamment à un besoin de rayonnement pour la Police et de sécurité financière pour des athlètes qui ne « sont pas des fonctionnaires de police à part entière mais des contractuels qui sont sélectionnés parmi de nombreuses candidatures transmises par l’ANS et les fédérations ».
Des sportifs qui ne sont donc pas uniquement motivés par l’argent mais qui « ont des valeurs communes avec les nôtres », poursuit la commissaire Costard, ravie de pouvoir compter sur « des profils extraordinaires, ravis de représenter la police ». Si les membres du team doivent donc participer à la communication de leur partenaire, la mission de reconversion est également prise très au sérieux puisque les athlètes « peuvent découvrir toute la palette des métiers de la police », jusqu’à, pourquoi pas, devenir eux-mêmes agents de police après leur carrière de sportif.
Des profils riches et variés
Une hypothèse réaliste pour Vanina Paoletti, demi-finaliste en kayak K2 aux JO de Paris et déjà policière adjointe, qui souligne que « la Police Nationale nous offre un support qui est monstrueux, elle nous salarie, elle nous apporte un cadre et des perspectives de carrière super intéressantes en reconversion ». Un soutien qui a changé sa carrière puisqu’auparavant son financement était « à 100% supporté par [sa] famille ».
Une vision partagée par des champions de sports majeurs qu’on pourrait pourtant penser plus bankables et plus indépendants financièrement. Damien Joly, capitaine de l’Équipe de France de natation aux derniers JO et vice-champion du monde du 1500m en petit bassin en 2022, se rappelle que « malgré (sa) qualification aux JO de Londres, je n’avais aucun contrat pérenne et même après Rio, où je suis finaliste olympique et parmi les meilleurs mondiaux, mes parents doivent m’aider car je n’arrive pas à vivre ». Une réalité difficile dont il va pouvoir sortir grâce à l’équipe de la Police dans laquelle « après une formation de quatre mois à Toulouse qui se passe super bien », il devient policier adjoint. Jusqu’à aujourd’hui, ces revenus de policier sont « les seuls que j’ai eus » conclu celui qui était encore finaliste sur 1500m aux derniers Jeux de Paris…
Des propos corroborés par un autre prestigieux olympien et lui aussi membre du Team Police, Gabriel Tual. 6e performeur de l’histoire sur 800m, champion d’Europe et finaliste olympique, il a connu ces années de « débrouilles » avant d’exploser et raconte avec un sourire comment, malgré son statut, il a obtenu son principal sponsor personnel par « l’opportunisme de mon père, chauffeur de taxi, qui avait pris en course un responsable d’une grande marque de ma région ».
Aujourd’hui, ce sont donc 50 athlètes et paraathlètes qui bénéficient de cet accompagnement de la Police qui leur permet de se concentrer sur leur entraînement et d’envisager plus sereinement leur avenir. Un beau programme qui contribue à faire de la France l’un des meilleurs pays de sport au monde.

il y a 9 hour
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