En Europe, la mobilisation de la génération Z vient de faire tomber un gouvernement. A trois semaines de l’entrée du pays dans la zone euro, le gouvernement bulgare n’a pas résisté à la pression de la rue. Jeudi 11 décembre, le Premier ministre Rossen Jeliazkov a annoncé sa démission après une nouvelle manifestation de masse pour dénoncer la corruption dans l’appareil de l’État. "Vox populi, vox dei", a déclaré le chef du gouvernement au Parlement, reprenant la citation latine de "la voix du peuple [est] la voix de Dieu". "Nous devons nous lever pour répondre à leurs demandes. Et leur demande est la démission du gouvernement", a-t-il déclaré.
Mercredi soir, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dans la capitale Sofia et dans d’autres villes du pays, dans une nouvelle démonstration de colère contre des dirigeants accusés de corruption. Mobilisés sur TikTok et d’autres réseaux sociaux, les Bulgares ont défilé avec des pancartes indiquant "La génération Z arrive" et "La génération Z contre la corruption".
Échec d’un budget libellé en euro
En Bulgarie, la vague de mécontentement, sans précédent depuis plusieurs années, avait commencé fin novembre, lorsque le gouvernement avait tenté de faire voter via une procédure accélérée le budget 2026, le premier libellé en euros. Sous la pression de la rue, il avait retiré le 3 décembre son projet de budget, qui prévoyait une hausse d’impôts et de cotisations sociales. Autant d’augmentations destinées à dissimuler des détournements de fonds, selon les contestataires et l’opposition. Un nouveau projet de budget a été présenté au Parlement en début de semaine, sans apaiser la colère.
La corruption dans ce pays des Balkans peuplé de 6,5 millions d’habitants a longtemps été omniprésente, même après son entrée dans l’Union européenne en 2007. Constamment classée comme l’un des États membres les plus corrompus du bloc par Transparency International, la Bulgarie n’a pas réussi à obtenir des condamnations de haut niveau pour corruption ces dernières années, alimentant la colère du public et suscitant des critiques répétées de Bruxelles pour son bilan en matière d’état de droit.
Bien que l’effondrement du gouvernement bulgare n’arrête pas le passage prévu au 1er janvier à l’euro, il prolonge une crise politique qui a déclenché sept élections législatives en seulement quatre ans et ajoute au malaise des Bulgares qui craignent une envolée des prix dès le 1er janvier. Le processus de changement de monnaie ne devrait cependant pas être affecté car les institutions directement impliquées dans le processus, "telles que la Banque nationale bulgare, sont indépendantes", a souligné auprès de l’Agence France Presse Petar Ganev, chercheur senior à l’Institut pour l’économie de marché (IME). Toutefois, pense-t-il, "tout problème mineur lié à l’introduction de l’euro, tel qu’une augmentation de prix ou un distributeur automatique de billets hors service, deviendra un sujet de débat politique".
Nouvelles élections en perspectives
Le fragile gouvernement de Rossen Jeliazkov avait été formé en janvier, rassemblant une coalition de circonstance entre les conservateurs du GERB de l’ancien Premier ministre Boïko Borissov et trois autres formations. En vertu de la Constitution bulgare, sa démission doit être désormais avalisée par le Parlement. Ce dernier se réunit ce vendredi matin. Il incombe ensuite au chef de l’Etat de confier un mandat pour la formation d’un nouveau gouvernement dans le cadre de l’assemblée actuelle. Mais les principaux partis politiques ayant d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne comptaient pas s’allier, le président convoquera des élections extraordinaires, celles-ci devant se dérouler dans les deux mois qui suivent.
"Les manifestations ont montré qu’il y a suffisamment d’énergie civile chez les jeunes générations pour aller contre l’orgueil perçu d’une élite politique et économique enracinée qui a profité des pratiques de capture de l’État pour rester au pouvoir", a déclaré auprès du Wall Street Journal Martin Vladimirov, directeur du programme de géoéconomie au Center for the Study of Democracy, un groupe de réflexion basé à Sofia.
La Bulgarie est devenue le dernier point d’achoppement d’une année marquée par les mobilisations de la génération Z. Les manifestations de jeunes ont fait tomber les gouvernements au Népal et à Madagascar ces derniers mois. Et secoué d’autres pays, dont le Maroc ou encore le Pérou.

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