RENCONTRE - Nicolas Keitel suit une jeune femme ayant fui un drame et ayant adopté une nouvelle identité qui recroise le chemin de sa mère et sœur cadette.
Passer la publicité Passer la publicité«Je voulais éviter absolument le côté film social et assumer totalement le mélodrame», lance Nicolas Keitel. Pour son premier long-métrage Louise, en salle depuis ce mercredi, le cinéaste de 37 ans ne choisit pas la facilité en optant pour un drame familial qui tient par la justesse et la délicatesse de son trio de comédiennes. Le film a reçu l e Prix du Public au Festival de Saint-Jean-de-Luz et du Prix Cinéma 2025 de la Fondation Barriere.
Témoin de violences conjugales entre sa mère (Cécile de France) et de son nouveau compagnon, la petite Marion comment un geste qui la dépasse et fugue. Avec l’aide de son père, elle adopte une nouvelle identité, devenant Louise. Les années passent et Louise (Diane Rouxel) devient photographe, recroisant le chemin de sa sœur cadette Jeanne (Salomé Dewaels). La jeune musicienne ne la reconnaît pas mais se noue d’amitié avec Louise, qui se voit soudainement rouvrir les portes de son passé. Doit-elle pardonner ? Doit-elle se démasquer ? Les retrouvailles de Louise avec Jeanne l’interrogent : a-t-elle fait le bon choix ? Jeanne semble solaire, épanouie, complice avec sa mère. Tout le contraire de Louise, solitaire et fuyante. Sous couvert d’un reportage Louise revoit sa mère Catherine, qui a fondé une association venant en aide aux femmes battues. Là encore, Louise n’arrive pas à concilier ses souvenirs avec la femme transformée qui l’accueille.
La boussole Douglas Sirk
Louise assume le romanesque et embrasse les codes du suspense. Une série de flash-back éclaire petit à petit les pièces du puzzle de Nicolas Keitel, qui est parti d’une simple image mentale : celle de ces deux petites filles assises dans les escaliers, en train d’entendre leur mère se faire battre. «Ma mère a connu les violences domestiques. Je ne me voyais pas écrire du point de vue d’une femme battue parce que ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu. Par contre, j’ai été dans la position d’un enfant d’une femme battue. Les enfants sont les victimes collatérales de ces drames quotidiens», raconte Nicolas Keitel, désireux d’aborder de manière authentique la quête de soi et de son identité. Le réalisateur cite volontiers Douglas Sirk, le cinéaste du mélodrame «noble et un peu désuet» comme boussole.
Dans Louise, Nicolas Keitel sonde le regard des gamins sur les réalités adultes, comment un traumatisme endure, transforme et façonne. Et de diagnostiquer : «Louise a tout enterré au fond d’elle. Lorsque tout ressurgit, elle se demande si elle doit redevenir celle qu’elle était ou rester celle qu’elle est devenue. Jeanne, c’est un peu différent. Elle a l’air d’aller bien. Dans quelle mesure est-ce une façade ? On comprend plus tard qu’elle est extrêmement colérique à cause de ça».
En choisissant Diane Rouxel, remarquée dans La terre des hommes et Volontaire, le cinéaste est conscient de lui avoir offert un contre-emploi. «Il me disait : ce personnage ne te ressemble pas du tout. Il faut absolument que tu casses ton côté souriant, lumineux. Nicolas voulait un personnage avec une couleur très forte, très sombre, on est en souffrance avec elle, on est en tension constante avec elle» se souvient la comédienne de 32 ans.
Pour être au plus juste, actrices et réalisateur se sont laissés le temps des répétitions, «pour être sûr que le texte était juste, pour voir s’il fallait modifier des mots, s’il fallait rajouter des silences». L’idée ? Que les émotions puissent se déverser librement en plateau.
«Assumer un film d’émotions c’est toujours un petit peu compliqué aujourd’hui, mais nous avons eu la chance d’avoir des partenaires financiers qui se sont laissés gagner et ont été bouleversés même si ce type de projet n’est pas dans leurs habitudes», note Nicolas Keitel, qui n’a pas fait ses armes dans une école de cinéma mais sur des courts-métrages, reportages et making of. Une pâte naturaliste qui se ressent dans son film. Il a déjà en tête son second long-métrage, «une pure histoire policière».

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