Les mots du management (4/5). À travers une série vidéo en cinq épisodes, la philosophe revient sur ces termes qui, sous couvert de modernité, compliquent parfois l’essentiel. Le quatrième épisode, consacré à la "confiance", est à découvrir.
Publié le 15/12/2025 à 12:00
Voilà le nouveau mantra des livres de management et de développement personnel : la confiance en soi. C’est bien joli de vouloir donner confiance à quelqu’un, quelle noble intention. Mais c’est une vertu dangereuse, qui transforme une bonne intention en échec, dès lors qu’on nous en parle comme d’un ingrédient miracle, une compétence à développer, un capital à rentabiliser. La confiance est devenue un produit : on la vend, on l’explique, on l’enseigne comme si c’était le fruit d’une connaissance.
Mais c’est précisément là le contresens. Car celui qui sait n’a pas besoin de faire confiance. La confiance suppose l’ignorance : si je savais, je n’aurais plus besoin de croire. Si je crois, c’est que je ne sais pas. 2+2 font quatre, je le sais, je n’ai pas besoin de le croire. Mais si je crois en vous ou en moi c’est que je ne sais pas si je réussirais ou si vous réussirez telle ou telle action.
La confiance n’est donc pas un savoir, c’est un pari. Le mot vient du latin confidere — "cum", avec, et "fidere", avoir foi. Avoir confiance, c’est remettre quelque chose de précieux à quelqu’un, sans garantie de retour. C’est un acte de foi, de croyance, un pari sur l’inconnu. Et comme tout pari, elle comporte un risque. On peut être trahi, déçu, trompé. La confiance ne se construit pas malgré le risque, elle se construit par le risque qu’elle ose prendre.
Autrement dit, faire confiance, c’est renoncer à tout maîtriser. C’est accepter de décider sans tout savoir, c’est s’arranger avec du possible plus qu’avec du certain. Voilà pourquoi la confiance s’oppose à la transparence, au contrôle, et à tout ce qui relève de la connaissance. Car vouloir tout vérifier, tout contrôler, tout surveiller — c’est refuser la prise de risque, qu’est la confiance.
Cette prise de risque qu’est la confiance s’avère presque toujours rentable. Il y a des gens à qui il ne faut jamais faire confiance. Mais globalement elle profite autant à celui qui la donne qu’à celui qui la reçoit. Le salarié à qui l’on fait confiance se sent investi, responsable. Le médecin qui inspire confiance soigne mieux. Le citoyen à qui l’on fait confiance agit plus loyalement. En d’autres termes, la confiance crée généralement ce qu’elle espère. C’est la, son pouvoir subversif : la confiance des uns engendre la loyauté des autres disait Vladimir Jankelevitch. Elle transforme la relation en responsabilité partagée.
Alors ne confondons pas la confiance avec la connaissance. La confiance est un pari, un risque, mais un risque fécond.

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