L'Express : Comment qualifieriez-vous votre rapport au temps en trois mots ?
Philippe Jaenada : En trois mots ? (Ah, flûte, trop tard, je les ai déjà utilisés !) Obsessionnel, inutile, compréhensible.
Quel rôle joue la montre dans votre vie ?
Je n’arrive pas à vivre, à réfléchir, à discuter sans avoir l’heure sous les yeux. J’ai plusieurs réveils ou appareils qui indiquent l’heure (four, radio, téléphone fixe, box télé) dans toutes les pièces de mon appartement. J’ai toujours dans la poche une petite montre que m’a offerte mon fils Ernest pour une fête des Pères quand il était petit, que je pose devant moi dès que je m’arrête quelque part (sur un comptoir de bar, par exemple). Je ne peux pas m’en passer.
Votre gestion du temps évolue-t-elle en fonction de l’avancée de vos livres ?
Toute l’année, je fais toujours exactement les mêmes choses aux mêmes heures, dans une journée - lorsque c’est possible, bien sûr. Lorsque j’écris, enfermé chez moi pendant six mois et sans aucune autre obligation extérieure, c’est encore plus régulier, précis, rigide ("rigide" semble avoir une connotation péjorative, mais pour moi, c’est un plaisir).
Votre attention se relâche-t-elle une fois un ouvrage terminé ?
Non, la seule différence, c’est que j’ai alors d’autres choses à faire (la longue promo du livre, par exemple) et que je dois donc plus souvent abandonner ma chère organisation horaire. Mais je m’y fais, naturellement, je ne suis tout de même pas un robot.
Minuter ses journées, est-ce gagner en efficacité ou une façon de se rassurer ?
Les deux. Je me suis posé la question, bien sûr, car c’est paradoxal : ce dont je dispose le plus, dans la vie, c’est de temps. Personne ne me fixe aucune contrainte, je peux faire absolument ce que je veux de mes journées, j’ai une existence entièrement "libre". Je suppose que cette obsession de l’heure me sert de cadre, de repère, pour ne pas partir en vrille dans tous les sens. Un peu comme les gens qui se sentent peu sûrs d’eux ou explosifs développent des manies ou des tocs de rangement et de propreté.
Bon, pardon, il faut que j’y aille, c’est l’heure…

il y a 2 day
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