Ulcère : le stress est-il vraiment coupable ?

il y a 1 day 4

Femme assise sur un canapé, tenant son ventre avec une expression de douleur. © Istock / Getty image plus / ©LordHenriVoton

Qui n’a jamais entendu : “Arrête de te stresser. Tu vas t’en faire un ulcère” ? L’idée est encore très répandue, mais elle ne reflète pas la réalité médicale…

L'essentiel

Résumé par l’IA, validé par la Rédaction.

Environ 0,2 % de la population adulte souffre d’un ulcère gastro-duodénal, avec plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas chaque année en France.

 Pendant longtemps, on a cru que cette affection touchait surtout les personnes très stressées. Avant les années 1980, on ignorait en effet l’existence d’Helicobacter pylori, la bactérie aujourd’hui identifiée comme la principale responsable. Les médecins constataient que les symptômes apparaissaient souvent en période de tension émotionnelle, et les médias ont largement relayé cette interprétation, entretenant l’idée d’un lien direct.

On sait désormais que le stress n’est pas la cause d’un ulcère, même s’il peut aggraver les symptômes ou favoriser leur expression lorsque la muqueuse est déjà fragilisée.

Définition : Qu'est-ce qu'un ulcère ? D’où vient l’agression de la muqueuse ?

Un ulcère gastro-duodénal est une plaie profonde qui creuse la paroi de l’estomac ou du duodénum. Normalement, cette muqueuse est protégée par un système bien rôdé :

  • le suc gastrique, très acide, sert à digérer ;
  • le mucus et le bicarbonate forment un bouclier qui protège les tissus de cette acidité.

Quand cet équilibre se rompt, la muqueuse n’est plus assez protégée : l’acidité l’irrite, provoque une inflammation, puis un ulcère. Chez une personne qui a un système digestif en bonne santé, ce déséquilibre repose presque toujours sur deux causes principales :

  • L’infection à Helicobacter pylori : c’est la cause la plus fréquente (80% des cas). Cette bactérie contractée dans l’enfance survit dans l’estomac en fabriquant une enzyme (l’uréase) qui neutralise localement l’acidité. Elle se niche ensuite dans la couche de mucus et déclenche une inflammation chronique (gastrite) qui fragilise la muqueuse. Une zone vulnérable se crée, favorisant l’ulcère.
  • La prise chronique de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens, AINS (ibuprofène, kétoprofène, naproxèneaspirine...) : ces médicaments diminuent des molécules protectrices (les prostaglandines). La muqueuse devient moins bien protégée et l’acide peut l’abîmer. On retrouve un ulcère chez 15 à 30 % des utilisateurs chroniques.

Ulcère de l’estomac : quels symptômes ? Comment le reconnaître ? 

Les symptômes d’un ulcère gastrique ou duodénal sont souvent discrets au début, mais certains signes doivent alerter :

  • Douleur ou brûlure dans le haut du ventre : "survenant souvent à jeun (sensation de faim douloureuse), calmée par le repas, puis réapparaissant quelques heures après", explique le Dr Olivier Spatzierer, gastro-entérologue.
  • Nausées, ballonnements, digestion lente
  • Douleurs abdominales nocturnes

Le diagnostic repose sur une endoscopie digestive et la recherche de la bactérie Helicobacter pylori.

Est-ce que le stress peut véritablement être la cause d'un ulcère à l'estomac ?

À strictement parler, le stress psychologique ne crée pas directement un ulcère, affirme le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue. Ce n’est ni la cause principale, ni la cause la plus fréquente : "Dans l’immense majorité des cas, l’ulcère est dû à H. pylori ou aux AINS", d'après lui.

Néanmoins, le stress peut favoriser l’installation ou l'aggravation d'un ulcère au même titre que d’autres facteurs bien connus : "comme le tabagisme ou certaines maladies chroniques qui altèrent les mécanismes naturels de défense de la paroi digestive", explique-t-il. 

Cela dit, l’idée d’un lien entre stress et formation d'un ulcère n’est pas un mythe complet. Plusieurs travaux, dont une étude danoise de grande ampleur publiée dans Clinical Gastroenterology and Hepatology, ont montré que les personnes très stressées avaient un risque légèrement augmenté d’ulcère,  même en l’absence d’H. pylori ou de prise d’anti-inflammatoires.

"En pratique, le stress agit surtout lorsque Helicobacter pylori ou les AINS fragilisent déjà la muqueuse et c’est encore pire si le tabac s’ajoute au tableau", selon le docteur Olivier Spatzierer. Ces facteurs peuvent alors :

  • retarder la cicatrisation de l'ulcère,
  • accentuer la douleur,
  • favoriser la récidive.

Le stress ne “fabrique” pas un ulcère à lui seul, mais peut contribuer à son apparition, à sa persistance et à l'apparition de complications sur un terrain déjà sensibilisé.

Quels sont les signes de complications d'un ulcère à l'estomac ? 

Attention, si vous êtes une personne stressée et que vous présentez les signes suivants, vous pourriez en réalité souffrir d'un ulcère qui se complique : 

  • présence de sang dans les vomissements ou les selles
  • selles noires
  • perte de poids inexpliquée
  • fatigue intense

Si un ou plusieurs de ces symptômes se présentent, vous devriez consulter rapidement un médecin. 

Quels sont les effets du stress sur notre estomac ?

Le stress psychologique n’augmente pas forcément l’acidité gastrique, mais il modifie les mécanismes qui régulent la digestion : “il agit sur l’axe cerveau–intestin”, résume le docteurr Olivier Spatzierer. Il perturbe certaines sécrétions digestives, affaiblit la barrière muqueuse protectrice et altère le microbiote, selon certaines études

Il entraîne également une amplification des sensations viscérales : comme le cerveau et l’intestin dialoguent en permanence, le stress majore la perception des douleurs digestives.

Il peut aussi modifier la motilité digestive, c’est-à-dire la façon dont l’estomac et l’intestin se contractent et font progresser les aliments, entraînant un transit accéléré (diarrhée) ou ralenti (constipation).

Ces effets, bien décrits dans plusieurs revues scientifiques, ne provoquent pas un ulcère à eux seuls, mais rendent l’appareil digestif plus vulnérable lorsqu’un autre facteur fragilise déjà la muqueuse.

Comment être moins stressé et soulager son estomac ?

L’objectif n’est pas d’éliminer totalement les sources de stress (mission impossible) mais de réduire son impact sur le système digestif et de renforcer les défenses naturelles de l’intestin.

Adopter des techniques de gestion du stress

Des outils simples, validés par de nombreuses études, permettent d’abaisser la tension nerveuse et de mieux réguler l’axe intestin–cerveau :

  • Cohérence cardiaque : 5 minutes, 3 fois par jour.
  • Méditation de pleine conscience : bien documentée dans les troubles digestifs fonctionnels.
  • Respiration lente : stimule le nerf vague, qui joue un rôle clé dans la digestion.
  • Activité physique régulière : améliore l’anxiété, la motilité du transit et même la composition du microbiote.

Renforcer son microbiote

  • Consommer des aliments riches en fibres (fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes), qui nourrissent les “bonnes” bactéries intestinales. En cas d’intestin sensible, privilégier les fibres douces et mieux tolérées, comme les légumes bien cuits (carottes, courgettes…).
  • Ajouter des aliments fermentés : yaourt, kéfir, choucroute, miso… véritables probiotiques naturels.
  • Envisager un probiotique en pharmacie, sur avis médical, notamment après un traitement contre H. pylori ou une antibiothérapie.
  • Limiter les aliments ultra-transformés et l’alcool, qui perturbent la flore.

 Éviter les irritants digestifs 

Même s’ils ne provoquent pas un ulcère, certains irritants peuvent accentuer les douleurs d’une muqueuse déjà fragilisée :

  • le tabac
  • l'alcool : "L’alcool comme le tabac n’est pas responsable à lui seul de l’apparition d’un ulcère, mais il fragilise la muqueuse gastrique, augmente l’acidité et peut aggraver les symptômes ou retarder la cicatrisation", souligne le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue.
  • excès de café ou de boissons très acides , 
  • les plats très pimentés, acides, épicés ou gras. 

Prendre un traitement en cas d'ulcère de l'estomac ou du duodénum

En cas de suspicion d’ulcère, la priorité est d’identifier et de corriger le facteur déclenchant :

  • dépister H. pylori (à noter que la seule véritable prévention contre H. pylori, c’est l’hygiène : lavage des mains, non partage des couverts et prudence alimentaire surtout lors de voyage dans des zones à risque), 
  • arrêter ou réduire les AINS
  • prendre un IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) si nécessaire.

Seule la prise en charge de la cause permet une véritable cicatrisation.
La gestion du stress aide à soulager les symptômes, mais ne suffit pas si l’ulcère est lié à une bactérie ou à un médicament.

Sources

Entretien avec le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue et hépatologue.

Levenstein, Susan et al. “Psychological stress increases risk for peptic ulcer, regardless of Helicobacter pylori infection or use of nonsteroidal anti-inflammatory drugs.” Clinical gastroenterology and hepatology : the official clinical practice journal of the American Gastroenterological Association vol. 13,3 (2015): 498-506.e1. 

Allen, Jacob M et al. “Psychological stress disrupts intestinal epithelial cell function and mucosal integrity through microbe and host-directed processes.” Gut microbes vol. 14,1 (2022): 2035661. doi:10.1080/19490976.2022.2035661

Konturek, Peter C et al. “Stress and the gut: pathophysiology, clinical consequences, diagnostic approach and treatment options.” Journal of physiology and pharmacology : an official journal of the Polish Physiological Society vol. 62,6 (2011): 591-9.

Rôle des nerfs vagues dans la physiologie de la sécrétion gastrique Lester R. Dragstedt , docteur en médecine et docteur ès sciences

Microbiote intestinal et ulcères de stress : décryptage du lien avec les neurotransmetteurs Khaled A. Abdel-Sater, Heba A. Hassan

Sujets associés

Lire l’article en entier