Europe. Berlin dit détenir des "preuves absolument solides" de l'implication de Moscou dans ces deux affaires.
Par Laura Laplaud avec AFP
Publié le 12/12/2025 à 16:44

Drapeau allemand flottant sur le toit du Bundestag, le 27 janvier 2017 à Berlin
afp.com/Adam BERRY
L'Allemagne a attribué vendredi 12 décembre à la Russie une "attaque informatique" visant son système de contrôle du trafic aérien ainsi qu'une "campagne" de déstabilisation durant les dernières législatives allemandes, et convoqué l'ambassadeur russe à Berlin pour ces accusations.
"Le service de renseignement militaire russe GRU est responsable de cette attaque" informatique commise en août 2024 contre la sécurité aérienne allemande, que Berlin "attribue clairement (...) au collectif de hackers APT28, également connu sous le nom de Fancy Bear", a déclaré un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères lors d'un point de presse régulier. "Deuxièmement, nous pouvons aujourd'hui affirmer de manière formelle que la Russie a tenté, à travers la campagne Storm 1516, d'influencer et de déstabiliser tant la dernière élection au Bundestag (Parlement allemand, en février) que, de façon continue, les affaires intérieures de la République fédérale d'Allemagne", a-t-il poursuivi.
Lors de la campagne des élections fédérales allemandes, le groupe Storm 1516 a diffusé des vidéos, contenant de fausses informations, visant principalement la CDU/CSU et les Verts. Dans l'une de ces vidéos, un prétendu médecin affirmait par exemple que Friedrich Merz, alors candidat à la chancellerie de la CDU, avait été soigné des années auparavant dans une clinique du Sauerland pour de graves troubles mentaux, rapporte Der Spiegel. De faux dossiers médicaux étaient montrés à l'écran pour étayer cette affirmation.
Une autre vidéo a inventé de toutes pièces un scandale de corruption de 100 millions d'euros impliquant cette fois Robert Habeck, alors candidat favori du parti des Verts. La vidéo prétendait également que des politiciens ukrainiens étaient liés à ce scandale. Et quelques jours avant les élections, plusieurs autres fausses vidéos ont circulé affirmant que les documents de vote par correspondance avaient été manipulés pour faire disparaître l'AfD du bulletin.
"Des mesures de rétorsion pour faire payer à la Russie le prix de ses attaques"
Berlin dit détenir des "preuves absolument solides" de l'implication de Moscou dans ces deux affaires, mais ne les détaillera pas pour protéger le travail de ses services de renseignement, a affirmé le porte-parole qui a aussi annoncé prendre, en étroite concertation avec ses partenaires européens, "une série de mesures de rétorsion afin de faire payer à la Russie le prix de ses attaques hybrides".
L'Allemagne va "soutenir de nouvelles sanctions individuelles contre des acteurs hybrides" au niveau de l'Union européenne (UE), qui impliqueront des "interdictions d'entrée" dans l'UE, "le gel de leurs avoirs et une interdiction d'accès aux ressources économiques", a-t-il expliqué. A partir de janvier, les déplacements transfrontaliers des diplomates russes dans l'espace européen Schengen seront également contrôlés, afin de "minimiser les risques en matière de renseignement", tandis que d'autres "restrictions bilatérales pour le personnel diplomatique russe" sont aussi prévues, a-t-il précisé.
Pour faire face à ces menaces hybrides, Berlin prévoit en outre la mise en place d'une nouvelle plateforme de coordination interministérielle, a indiqué une porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Ces derniers mois, Berlin a aussi sonné la mobilisation pour renforcer sa défense contre les drones afin de répliquer aux multiples incursions de ce type d'appareils sur des sites stratégiques, des aéroports aux terrains industriels, dont il soupçonne Moscou d'être responsable. Le gouvernement du chancelier Friedrich Merz a déjà renforcé les pouvoirs de la police en lui permettant d'abattre des drones, et a adopté un projet de loi qui doit permettre à l'armée d'intervenir contre les drones non autorisés dans l'espace aérien national.
L'Allemagne, cible centrale de ces attaques
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les pays européens accusent la Russie de mener une guerre "hybride" contre eux — un mélange de moyens non conventionnels qui peut inclure du sabotage et des campagnes de désinformation. Premier soutien de l'Ukraine en Europe et plateforme logistique clé pour l'Otan, l'Allemagne se considère comme une cible centrale de ces attaques.
Berlin observe "depuis un certain temps une augmentation massive des activités hybrides menaçantes de la part de la Russie", qui vont "des campagnes de désinformation à l’espionnage et aux cyberattaques, jusqu'aux tentatives de sabotage", a souligné vendredi le même porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Moscou menace "de façon très concrète notre sécurité" en cherchant à "diviser la société, semer la méfiance, susciter le rejet et affaiblir la confiance dans les institutions démocratiques", a-t-il dénoncé.
Ces opérations pourraient s'accroître à l'occasion d'une série d'élections régionales en Allemagne en 2026, a estimé lundi le chef du renseignement intérieur allemand. Le parti d'extrême droite AfD, prorusse et antimigrants, peut espérer des gains considérables dans ces cinq régions, voire prendre le contrôle de certaines. Principale force d'opposition dans le pays après une deuxième place historique au scrutin législatif de février, l'AfD est suspecté par les autres partis de récolter des informations sensibles sur les infrastructures allemandes pour les transmettre à Moscou.

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