Chronique. Notre chroniqueur Christophe Donner décrypte les rôles récents joués par Claire Danes, Camille Cottin, et Jessica Pennington.
Publié le 10/12/2025 à 06:15

L'actrice Claire Danes joue dans la série Netflix "The Beast in Me".
NurPhoto Image Press Agency / NurPhoto via AFPAFP
Enfin, je ne sais pas si le mot magnifique convient à Claire Danes, découverte durant les belles années sériphiliques du Covid-19 : souvenez-vous, Homeland, sweet home, vive le confinement, c’est peut-être ça qu’on paie aujourd’hui, en fait : on jouait à la fin du monde, j’avais beau vous balancer des Ultimatums, vous avez continué à vous confiner comme si vous aviez peur de mourir, et moi je vous disais, c’est pas grave, mourir, mais la dette, ô la dette ! Ça me fait penser : je n’avais pas revu Bruno Le Maire depuis ma chronique du 16 avril 2020 intitulée L’Erreur du siècle et qui commençait sentencieusement (ça m’arrive !) par : "Ils avaient le choix entre les morts et le désastre économique, nous aurons les deux." Il n’a pas beaucoup changé, mon Bruno, toujours aussi grand et lunaire, charmant, c’est déjà ça, mais pas dans la guerre. Alors qu’elle est là, Claire Danes, notre agent de la CIA bipolaire préférée, le savait, ça la rendait malade encore plus, et moi 4 800 minutes accroché à ses sauvetages d’un monde en bout de course, suspendu à en perdre le sommeil, parce qu’elle avait le malheur de mieux tout comprendre avant tout le monde : les bipolaires, c’est connu, ont des antennes.
Six ans plus tard, dans le beaucoup moins bon The Beast in me de Gabe Rotter, mais avec Mattew Rhys, l’agent russe dans The Americans et Jonathan Banks, le super salaud dans Breaking bad, que des potes à moi, en fait, mais c’est de Claire Danes que je voulais parler. Elle ne s’est pas arrangée dans le genre visage instable, bourré de tics, un tic pour chaque catégorie d’émotion, et ça défile : les doutes, les peurs, les retenues de larmes, le menton qui tremblote, les yeux qui se retournent. Elle écrit un livre, c’est son rôle, écrivaine, un livre sur un psychopathe, savoir s’il l’est ou pas. Mais elle est en panne. Mince. Encore un cliché. Vous allez voir qu’elle va signer son livre à la fin de la série… J’ai pourtant de bonnes histoires de signatures de livres, pourquoi ils ne m’en demandent pas. La meilleure, c’est à Nancy… je l’ai déjà racontée ? Un vieux monsieur qui vient me demander si Robert Sabatier va bientôt venir. Il publiait chez Grasset, Sabatier, comme moi, comme Dantzig à ma gauche et Edmonde Charles-Roux à ma droite. Ça fait une heure que j’attends qu’un visiteur de salon vienne s’essuyer les doigts sur mon livre, au moins ça, ça fait longtemps que je n’espère plus qu’on achète mon livre, et donc le vieux monsieur se plante devant moi et comme si je n’avais que ça à fiche, comme si j’étais le bureau des renseignements, alors que je suis écrivain, la pile de livres inamovible en témoigne, il a des nouvelles de Robert Sabatier ! Viendra pas, je dis. -Ah bon ? -Il est mort, je précise. -Non ! -Ben si. Edmonde fait semblant de ne pas avoir entendu. Dantzig ? Plus de Dantzig. Ça, c’est de la bonne camaraderie : personne avec qui me poiler. Le pauvre endeuillé s’en va, tant pis pour la dédicace des Cacahuètes Suédoises, ou les Allumettes sauvages, je ne sais plus, mais un quart d’heure plus tard, le vieux schnock revient : -Oh ben vous alors, vous faites de l’humour noir ! Je l’aurais pris dans mes bras pour le consoler.
L’autre actrice de la semaine, Camille Cottin dans Le Pays d’Arto. Une belle actrice dans un beau film, c’est berçant, planant, ça se passe en Arménie qui est très belle aussi, donne envie d’y aller. C’est une approche de la guerre qui est… noble. Tamara Stepanyan est libanaise, elle la connaît, la guerre, elle n’a pas besoin de la dénoncer. Elle nous raconte ce que les films de guerre n’arrivent jamais à capter : la guerre qui continue entre les combats. La silhouette d’un soldat qui apparaît au loin, le passage d’un check point, des gens qui regardent ailleurs, des paysages dénués de raison, de toutes les raisons de la faire, cette guerre, comme les autres.
La troisième actrice, c’est Jessica Pennington dans Mektoub my love due, d’Abdellatif Kechiche. Elle a l’air de sortir d’un film de Cassavetes. Est-ce qu’on peut mieux dire ?

il y a 2 day
4



